Économie / septembre 2017

Le projet de loi de finances pour 2018

Très attendue, la présentation du « budget » est un moment important du débat démocratique. Pour financer ses priorités, garantir l’équité intergénérationnelle et assurer l’indépendance de sa politique économique, la puissance publique doit maîtriser ses comptes en favorisant le développement de l’activité. Faisant suite à la présentation du PLF ce matin, ce flash en analyse les grands enjeux.

1.  Objectif 15Md€ : où sont les économies ?

Le Gouvernement prévoit de réduire le déficit public de – 2,9 % du PIB en 2017 à – 2,6 % l’an prochain, les deux tiers de l’amélioration résultant d’une accélération de l’activité économique (voir graphiques en annexe et ci-dessous) : côté recettes, le taux de prélèvements obligatoires (PO) baisserait de 0,4 point de PIB sous l’effet de diverses mesures de réduction des prélèvements (revenus du capital : remplacement de l’impôt sur la fortune par l’impôt sur la fortune immobilière, mise en place d’un prélèvement forfaitaire unique à 30 % ; réforme de la taxe d’habitation…), supérieures aux hausses prévues par ailleurs (fiscalité énergétique, fiscalité du tabac) ; côté dépenses, le taux de dépenses serait réduit de 0,7 point de PIB, l’exécutif visant la réalisation de 15Md€ d’économies par rapport à la progression tendancielle des dépenses (i.e. la hausse observée en l’absence de mesures du fait du vieillissement, des mécanismes d’indexation…). Par type d’administration, l’Etat réaliserait 7Md€ d’économies, la sécurité sociale 5Md€ (dont 4Md€ sur l’assurance-maladie) et les collectivités locales 3Md€. Par rapport au cadrage estival, qui prévoyait 20Md€ d’économies et un « zéro volume » sur les dépenses (cf. flash éco du 2 août), le Gouvernement a revu son ambition à la baisse : les dépenses devraient augmenter l’an prochain de 0,5 % en volume, soit environ 19Md€ en valeur absolue.

2.  D’avril à juillet : un changement radical de perspectives sur la situation de l’économie…

La présentation d’un texte budgétaire s’accompagne d’un cadrage macroéconomique qui situe la position de l’économie dans le cycle. Les économistes s’intéressent ainsi au concept, fragile mais utile, de l’écart de production (« output gap »). Ce dernier mesure l’écart entre le niveau effectif de production et le niveau potentiel (niveau durablement soutenable sans tensions inflationnistes) [1] . Un écart de production négatif signifie que l’économie évolue en-dessous de son potentiel : la composante conjoncturelle de l’indicateur (par ex. : chômage, déficit) est donc aggravée.

Avant le PLF pour 2018, le ministère des Finances a présenté deux trajectoires cette année : en avril, lors du programme de stabilité et en juillet, à l’occasion du débat d’orientation pour les finances publiques (DOFP). Il en ressort une évaluation radicalement différente des perspectives pour l’écart de production, tant en niveau qu’en évolution : ainsi, pour l’année 2016, l’output gap a été divisé par deux entre avril et juillet (de – 3,1 % du PIB potentiel à – 1,5 %) ; à l’horizon 2020, là où le programme de stabilité prévoyait une réduction très lente de l’écart de production, le DOFP projetait un retour à l’équilibre en fin de période. Dit autrement, l’économie française apparaissait, au printemps, très éloignée d’un « retour à la normale » alors qu’elle semblait, à l’été, bien partie pour effacer les derniers effets de la crise économique (pour mémoire, la Grande récession aurait creusé l’output gap d’environ 4 points de PIB potentiel en 2009, une évaluation consensuelle entre le FMI, l’OCDE et la Commission).

3.  … avec un impact majeur sur la nature du déficit public

Au-delà de son strict intérêt sur la dynamique de l’activité, la position de l’économie dans le cycle
conditionne le partage du solde public entre ses composantes conjoncturelle et structurelle. Comme indiqué ci-dessus, plus l’écart de production est négatif, plus le déficit est de nature conjoncturelle : dans ce cas, la politique économique doit chercher à stimuler l’activité et non à réduire le déficit. C’est l’analyse qui découlait de la trajectoire d’avril 2017, avec la fin prévisionnelle du déficit structurel dès 2019. A l’inverse, le trajectoire financière du DOFP faisait apparaître un déficit principalement structurel pour les années à venir. La comparaison pour l’année 2020 résume les approches diamétralement opposées entre les deux prévisions : à niveaux de déficit public proches (- 1,3 % du PIB en avril, – 1,5 % du PIB en juillet), la première faisait état d’un besoin de financement entièrement conjoncturel, contre un déficit exclusivement structurel dans la seconde.

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Premier exercice financier du quinquennat, le PLF pour 2018 a été bâti dans un environnement économique porteur au plan européen. Ce dynamisme conjoncturel facilite la construction budgétaire et permet d’associer réduction du déficit et baisse des prélèvements obligatoires. Toutefois, l’embellie de l’activité ne doit pas masquer les défis fondamentaux pour les administrations publiques, dont le désendettement doit demeurer une priorité dans la durée. Passer du « Tax and Spend » au « Detax and Save » suppose en effet de changer radicalement de logique dans la façon de concevoir la politique économique. Au centre des attentions, le plan d’économies est dans la continuité des efforts engagés depuis 2011. Pour gagner en consistance, il devra s’appuyer sur des choix stratégiques assumés : ainsi, après la « RGPP » et la « MAP », aux résultats mitigés, le processus « Action publique 2022 » doit déboucher sur des réformes concrètes. Enfin, le renforcement de la crédibilité budgétaire du pays passe également par une stabilité des hypothèses macroéconomiques sous-jacentes : l’élection d’un nouveau Président et la formation d’un nouveau Gouvernement ne peuvent expliquer des révisions aussi radicales que celles observées entre avril et juillet 2017.

Annexe : compléments

[1]  Pour plus de précisions sur le concept d’écart de production, voir le flash du 29 avril 2016.