1 . France : un net mouvement de convergence des taux d’emploi
Depuis 40 ans, le taux d’emploi de la population âgée de 15 à 64 ans a peu varié en France, se stabilisant autour de 65 %. En revanche, l’évolution par genre fait apparaître deux mouvements de sens opposés avec, d’une part, une baisse du taux d’emploi masculin et, d’autre part, une hausse du taux d’emploi féminin. Tandis que le premier a été pénalisé par l’allongement de la durée des études, de la hausse du chômage et de l’abaissement de l’âge légal de la retraite au début des années 80, le second reflète l’accroissement de la participation féminine sur le marché du travail et le développement des couples « bi-actifs ». Supérieur à 30 points en 1975, l’écart de taux d’emploi entre les hommes et les femmes est désormais inférieur à 10 points (68 % vs 61 % en 2016), reflet d’une nette convergence entre les genres.
2 . Europe : un emploi féminin en hausse, des écarts persistants entre pays
Dans le cadre de sa stratégie Europe 2020, l’Union européenne s’est donnée pour objectif d’atteindre un taux d’emploi global de 75 %. En 2016, cet indicateur était de 71 % (hommes : 77 %, femmes : 65 %).
S’il reste conséquent, l’écart de taux d’emploi entre les hommes et les femmes s’est nettement réduit au cours des 20 dernières années du fait d’une forte progression du taux d’emploi féminin alors que celui des hommes demeurait stable. La tendance haussière se retrouve dans l’ensemble des principaux pays, avec toutefois des écarts qui demeurent importants entre le Nord et le Sud. Par ailleurs, ce mouvement de fond a pu être perturbé par les effets du cycle économique (recul du taux d’emploi féminin en Espagne lors de la Grande récession). En sachant qu’une femme sur trois en emploi travaille à temps partiel (contre un homme sur dix), l’analyse doit prendre en compte ce facteur, indissociable de la vie personnelle : ainsi, il apparaît que, dans deux des pays (Allemagne, Royaume-Uni) présentant les taux d’emploi féminins les plus élevés, le fait d’être mère de famille augmente très significativement la part du temps partiel, en lien avec des modes de garde et/ou une scolarisation ne couvrant qu’une partie de la journée.
3 . « Gender wage gap» : que dit la recherche académique ?
Sujet d’importance sur le plan politique et sociétal, le débat autour du « gender wage gap » (GWG, ou écart de rémunération entre les genres) est aussi économique. Au plan des principes, l’identité « à poste et expérience équivalents, rémunération égale » est incontestable. En pratique, cette dernière se heurte toutefois à une difficulté concrète dans la mesure où il est très rare d’observer au sein d’une entreprise deux individus possédant exactement le même poste et la même expérience professionnelle. Le concept « d’expérience professionnelle » est lui-même imprécis, regroupant dans son acception large deux dimensions distinctes de la vie d’un salarié : d’une part, son niveau de qualification (diplôme(s) obtenu(s)) et, d’autre part, son déroulé de carrière (poste(s) occupé(s)). Objet d’une intense recherche académique, le GWG est étudié au travers d’une même méthode : à partir d’un écart de rémunération brut, des facteurs « objectifs » (formation, expérience, secteur d’activité, type de poste) sont inclus dans l’équation économétrique afin d’en mesurer le pouvoir explicatif. L’écart restant (dit « inexpliqué ») peut contenir une composante spécifiquement discriminatoire : toutefois, comme cela est souvent rappelé, la part inexpliquée mesure par définition l’effet d’autres variables absentes de l’analyse (productivité…) [1] . Dans une étude portant sur les Etats-Unis, Francine Blau et Lawrence Kahn (Cornell University) [2] mettent en évidence une très nette réduction des écarts salariaux bruts depuis les années 80 (pour les salariés à temps plein, la rémunération relative des femmes serait passée de 60 % à 80 %) grâce à un double mouvement de montée en qualification des femmes et de réduction de l’écart d’expérience. Ces facteurs se seraient toutefois dissipés dès le début des années 90, l’essentiel de l’écart expliqué provenant des différences sectorielles et du type de poste occupé. Par ailleurs, l’écart inexpliqué (de l’ordre de 10 %) serait stable depuis cette date. Pour Blau et Kahn, « la persistance d’un GWG inexpliqué suggère, mais ne prouve pas, que la discrimination pèse sur les écarts de rémunération ». S’agissant de la division du travail entre les genres, les auteurs parlent d’une « pénalité de maternité » pour les femmes et d’un « bonus de mariage » pour les hommes, insistant sur le besoin de mieux comprendre les interactions au sein du ménage : « potentiellement, la division du travail au sein du couple répond aux écarts de rémunération entre les genres et les engendre tout à la fois ». Enfin, ils soulignent les efforts de la communauté scientifique pour mieux intégrer les facteurs psychologiques et « non-cognitifs » dans l’explication des écarts de rémunération (attitudes vis-à-vis du risque, de la compétition, de la négociation…).
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« Révolution silencieuse » (Goldin, 2006) porteuse de progrès, l’entrée des femmes sur le marché du travail formel est sans doute l’un des faits économiques majeurs du 20e siècle. Dans la plupart des pays avancés, les taux d’activité et d’emploi entre les deux genres sont désormais proches et les couples « bi-actifs » une réalité largement répandue. Ceci explique la montée en puissance des inquiétudes liées à l’égalité hommes-femmes et à la nécessaire conciliation entre vies professionnelle et familiale, cette dernière reposant la question de la division des tâches au sein du ménage. De ce fait, il s’agit de problématiques qui dépassent de loin le champ strictement économique. Légitime, le combat contre les discriminations exclusivement liées au genre (qu’il convient de documenter au niveau microéconomique, pour bien en cerner la portée) ne représente toutefois qu’un seul des multiples enjeux à affronter. En effet, les analyses disponibles font apparaître une prédominance des écarts liés aux « effets de composition » (secteur d’activité, poste occupé…) dont certains naissent bien avant l’entrée sur le marché du travail (choix des études par exemple).