1 .De bons résultats 2017 pour la croissance et la réduction du déficit
En 2009, l’effondrement des recettes fiscales et l’impossibilité de réduire brutalement le rythme des dépenses, sans ajouter à la crise, ont conduit le déficit public sous les -7% du PIB. Depuis, la consolidation budgétaire fut très progressive.
En 2017, le solde des administrations publiques, selon l’INSEE, s’élève à -2.6 % du PIB (- 59.5Md€), pour 56.4 % en dépenses et 53.8 % en recettes. Les prélèvements obligatoires (PO) s’établissent à 45.3%, la dette publique brute à 96.8%.
Ce retour sous les 3% maastrichtiens permet de refermer la procédure pour déficit excessif ouverte contre la France. La Zone Euro en 2013, le Danemark en 2009, l’Allemagne en 2011, l’Italie en 2012, ont déjà franchi ce seuil. En 2017, seule l’Espagne reste au- delà.
Le soutien de la conjoncture, la surréaction de la fiscalité à la croissance, la croissance de la dépense publique et un niveau de dette croissant sont des caractéristiques de la gestion 2017.
La croissance du PIB, +2.2% en volume, est la plus haute constatée depuis 2007, si l’on exclue 2011, année de rattrapage. Pour mémoire, le PLF2017 avait été construits sur une hypothèse de +1.5%. Cette croissance explique en grande partie le résultat des comptes publics.
La dynamique des recettes publiques est encore importante, à +4.0%. Ainsi, les recettes de l’Etat se sont révélées supérieures aux prévisions ; notamment +3.2 Md€ pour la TVA, +6.6 Md€ pour l’IS (dont +4.9Md€ lié au prélèvement exceptionnel). L’élasticité globale des PO au PIB s’est élevée à 1.8.
Cette croissance des recettes ne s’est pas accompagnée d’une inflexion significative du rythme des dépenses, en hausse (hors prélèvement exceptionnel) de 2.3%. Malgré l’intervention du gouvernement à l’été 2017, la dynamique de certaines composantes est restée forte : les dépenses de personnels de l’Etat ont progressé de +3.9%, le fonctionnement de +4.7% et les interventions de +5.1%.
La dette publique, enfin, n’est pas encore stabilisée : 96.8% du PIB en brut, elle progresse de +0.2% dans un contexte de taux d’intérêts toujours très accommodants.
2 .Des déficits persistants sources de risques et charges futures
De nombreuses leçons découlent de l’évolution des comptes publics ; parmi celles-ci, la sortie de la procédure de déficit excessif renvoie au premier plan les interrogations liées aux difficultés posées par les déficits.
- Le déficit structurel élevé, une source de risque supplémentaire
Le solde structurel corrige le solde courant des éléments non récurrents et du cycle de croissance. Il s’établit selon la loi de programmation des finances publiques à -2.2 % du PIB en 2017, en recul de 0.3 %, dans une phase où la conjoncture est favorable. S’il fait débat, ce calcul montre que l’essentiel du solde courant reste structurel.
Une dégradation conjoncturelle pourrait ainsi porter de nouveau le déficit public au-delà des -3 % du PIB. Les finances publiques ne seraient alors plus un stabilisateur macroéconomique : les capacités d’intervention de l’Etat pourraient être limitées et les finances publiques nécessiteraient elles-mêmes des mesures d’urgence, avec des risques de consolidation procyclique, ajoutant à la dégradation.
- La dynamique des dépenses et des recettes pousse les PO à la hausse
Les recettes et dépenses publiques réagissent asymétriquement face à la conjoncture. L’élasticité des PO, de 1.8 en 2017, traduit leur forte dépendance à la croissance. Les dépenses publiques affichent au contraire une progression continue, indépendante de la croissance, comme en témoigne l’impossibilité de les freiner en 2017. Ce phénomène, de « stabilisation automatique » par les recettes, a des avantages macroéconomiques.
Mais la différence de réaction entre recettes et dépenses en période de crise conduit aussi à créer un écart qui va au-delà du soutien conjoncturel si l’Etat doit intervenir en dépense. Si la croissance faiblit, la reconstruction d’un solde raisonnable nécessite alors plusieurs années où les dépenses continuent leur progression et seule la hausse de la fiscalité permet de limiter les déficits ; ceci pousse les PO à la hausse.
- La dette accroît les charges financières de l’Etat et ajoute des engagements additionnels futurs
Le solde courant reste supérieur au solde stabilisant la dette, égal de -2 % en 2017 pour l’Etat, selon la Cour des comptes : la dette de l’Etat continue ainsi de croître de 65.5 Md€ en 2017.
Cette dette publique porte un risque additionnel : un retour à des taux d’intérêts modérés pourrait entrainer une remontée des charges de la dette : pour 1% de taux d’intérêts supplémentaires, les charges à un an augmenteraient de +2.1 Md€ et à 10 ans de +19.1Md€, selon la Cour des comptes.
Cette accumulation transfère aussi des passifs vers l’avenir. Or, comme le rapport Pébereau sur la dette le signalait dès 2006 et la Cour des Comptes le rappelle, les engagements à venir sont déjà très importants : significativement, plus de 2400 Md€ sont inscrits au hors bilan de l’Etat au titre des engagements de retraites.
- Un déséquilibre qui ne favorise pas clairement l’investissement public
Un rythme de croissance plus élevé, à long terme nécessite des investissements nouveaux. En 2017, sous contrainte budgétaire, l’investissement de l’Etat ne progresse pas. A long terme, l’investissement public ne semble pas plus profiter des déficits (cf. graphique 2) et conserve une proportion stable dans la dépense publique.
Ceci s’explique en situation de crise, quand les dépenses sociales sont d‘autant plus nécessaires pour soutenir les plus démunis et l’ajustement porte sur la réduction des investissements.
Pour leur part, les investissements privés sont sensibles aux déficits via le soutien à la demande mais aussi les hausses de PO, de taux d’intérêts ou les arbitrages des marchés entre titres souveraines et privés. Les effets des comptes publics français sur les investissements privés peuvent être en théorie incertains.
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Le gouvernement prévoit une diminution progressive du déficit courant de -2.6% en 2017 à +0.3% en 2022. La dette publique devrait en conséquence décroître de 96.8% en 2017 à 89.2% en 2022. De tels résultats amélioreraient la position de l’économie face à un éventuel retournement conjoncturel et permettraient de mieux préparer les défis démographiques et techniques à venir. Mais ils sont difficiles à atteindre quand les transferts sociaux, une part importante des dépenses, correspondent à des politiques essentielles pour l’équilibre économique et social. Dès lors, les travaux du programme « Action 2022 » attendus avant l’été seront une indication importante.