1 . – 2,6 % du PIB : un déficit « dans les clous » européens
En 2017, les administrations publiques (Etat, sécurité sociale, collectivités locales) ont connu un déficit de 59,3Md€, soit 2,6 % du PIB [1] , contre 3,4 % en 2016. Cette réduction du déficit repose une progression plus rapide des recettes publiques (+ 4,0 %) par rapport à celle des dépenses (+ 2,5 %). La croissance économique (+ 2,0 %) a soutenu les premières, même si les prélèvements (PO) ont augmenté plus vite que le PIB, d’où une hausse du taux de PO (de 44,6 % à 45,4 %) en lien avec la surtaxe d’impôt sur les sociétés (voir partie 3), la montée en charge de la taxe carbone et une masse salariale dynamique. En dépenses, l’accélération par rapport à 2016 (+ 1,0 %) s’appuie sur une hausse des dépenses de fonctionnement (+ 2,2 % contre + 0,7 %), une forte progression des « autres transferts » (+ 6,5 %, après + 0,4 %), du fait de la recapitalisation d’Areva et du remboursement de la taxe de 3 % sur les dividendes et le rebond des prestations sociales (cf. 2). Par administration, l’amélioration est principalement imputable à l’Etat et à la sécurité sociale. Après 96,6 % du PIB en 2016, la dette publique a atteint 97,0 % fin 2017.
2 . Dépenses publiques : quel rôle des prestations sociales ?
Représentant près de la moitié des dépenses publiques, les prestations sociales (retraites, prestations familiales, allocations de chômage…) et les transferts en nature (remboursement des dépenses de santé par exemple) ont un rôle déterminant sur le plan financier. Depuis le début des années 1990, leur contribution annuelle à la croissance des dépenses publiques n’a jamais été inférieure à 30 %, s’établissant en moyenne à 51 % du fait de pics parfois prononcés (près de 80 % en 1998, 2013 et 2016). Au cours du dernier quart de siècle, les prestations sociales ont connu une tendance à la décélération, tout comme les dépenses totales. Toutefois, le taux de croissance des premières reste supérieur à celui des secondes, d’environ 0,5 point, ce qui est loin d’être négligeable. A court terme, les marges de manœuvre en matière de dépenses sociales sont étroites : hors effet d’indexation (qui ne produit un rendement financier que lorsque l’inflation est positive), leur dynamique est largement dictée par des paramètres exogènes tels que la démographie, le progrès technique et des décisions individuelles des assurés (départ en retraite par exemple). L’inflexion de tendance observée s’explique par la montée en puissance des différentes réformes menées depuis 1990, en particulier en matière de retraites et d’assurance-maladie.
3 . Contentieux de 3 % sur les dividendes : une comptabilisation « en deux temps »
En mai 2017, la décision de la Cour de Justice de l’Union européenne d’invalider la taxe de 3 % sur les dividendes distribués par les entreprises a constitué un fait marquant de l’année fiscale. Suite à la décision d’octobre du Conseil constitutionnel annulant en totalité la mesure, le Gouvernement a décidé d’introduire une surtaxe d’impôt sur les sociétés portant sur les résultats 2017 des grandes entreprises. L’objectif affiché était de compenser partiellement le coût du remboursement pour les finances publiques (5Md€ sur 10Md€) afin de sécuriser le respect de l’objectif budgétaire (pour mémoire, 0,1 point de PIB correspond à 2,3Md€). D’un point de vue comptable, le débat a porté sur la façon d’enregistrer le contentieux, avec deux options : sur une seule année (2017, compte tenu de la décision définitive du Conseil) ou au fur et à mesure des remboursements. Dans une décision récente [2] , l’institut statistique Eurostat indique que « dans des circonstances normales, le faible taux de rejet des réclamations des entreprises (0,2 % au 31 décembre 2017) devrait entraîner l’enregistrement de l’intégralité de la somme due au titre de l’exercice 2017 au moment de la décision du Conseil constitutionnel ». Toutefois, Eurostat a choisi de valider le traitement proposé par l’INSEE, qui s’appuie sur l’argumentaire de l’administration fiscale française selon lequel elle a donné la priorité dans ses décisions de remboursement en 2017 aux entreprises présentant des réclamations « incontestables ». En revanche, les réclamations traitées en 2018 porteraient sur des cas plus compliqués, rendant incertain les montants à rembourser in fine. D’un strict point de vue budgétaire, cette décision est une bonne nouvelle pour la France puisqu’elle entérine le principe de neutralité du contentieux pour l’année 2017.
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A – 2,6 % du PIB, le déficit public de la France s’inscrit, pour la première fois en dix ans, en-dessous du seuil fixé par les engagements européens. Fruit d’un effort trans-partisan mené depuis 2011, le redressement des comptes publics était une nécessité. De façon plus détaillée, l’ajustement budgétaire apparaît déséquilibré entre, d’une part, une hausse massive et concentrée des prélèvements obligatoires et, d’autre part, des efforts d’économies « tendancielles » réels mais limités (cf. annexe pour plus de détails). Avec un environnement économique plus favorable aux effets positifs sur les comptes publics, la tentation du relâchement apparaît grande : ainsi, le débat sur une « cagnotte » inexistante rappelle l’analyse asymétrique du cycle de la part de nombreux acteurs (si les périodes de récession ne sont, à juste titre, pas propices au resserrement budgétaire, les périodes de croissance seraient, elles, vouées à la « redistribution »). Pourtant, les arguments qui ont conduit à faire le choix de la consolidation budgétaire restent d’actualité : équité intergénérationnelle, capacité à retrouver des marges de manœuvre (baisse des prélèvements, financement de nouvelles priorités), soutenabilité de l’endettement public (voir flash du 16 mars). Incontestablement positive, la nouvelle du jour est un encouragement à poursuivre les efforts, tant le chemin qu’il reste à parcourir est long et sinueux.
Annexe : comment analyser le redressement budgétaire français depuis 2011 ?
La présente annexe propose un approfondissement sur les ressorts du redressement budgétaire de la France depuis 2011. Elle s’appuie sur le concept « d’effort structurel » calculé par le Gouvernement : son objet est d’isoler l’impact pour les comptes publics des décisions « discrétionnaires » de politique budgétaire. Ainsi, l’effort structurel se partage usuellement entre les mesures d’économies en dépenses (modération par rapport à la croissance économique ou baisse de dépenses) et celles engendrant des recettes supplémentaires (hausses de prélèvements obligatoires). Ces décisions se distinguent de l’impact, mécanique, des fluctuations de l’activité sur le solde budgétaire.
Les résultats font apparaître un important effort structurel au cours des 7 dernières années (près de 5 points de PIB). Cet effort a été doublement déséquilibré : d’une part, d’un point de vue temporel, avec une concentration sur la période 2011-2013 ; d’autre part, du point de vue de la nature de l’ajustement, les hausses de prélèvements obligatoires représentant plus de 70 % de l’effort, contre moins de 30 % à la modération de la dépense.
Toutefois, depuis 2015, l’effort structurel serait intégralement porté par les efforts de modération de la dépense, la mise en œuvre de certaines mesures de baisse des prélèvements obligatoires (CICE, pacte de responsabilité et de solidarité) aboutissant à un effort structurel négatif en recettes.