En résumé
Mondialement, l’indice JP-Morgan Global Manufacturing PMI s’établit à 49,7 (+0,2pt). Proche des 50, il signale cependant toujours une contraction de l’industrie manufacturière. Le contraste reste important selon les zones géographiques.
Les perspectives de la Chine sont de nouveau positives : le Caixin China General Manufacturing PMI, à 51,4 en septembre, progresse, depuis 50,4 en août, à son plus haut depuis février 2018. Ceci provient d’une hausse sous-jacente de la production et des nouvelles commandes alors que les exportations restent en baisse et que l’emploi n’embraye pas.
Aux USA, les deux indicateurs ISM et IHS divergent. L’indice PMI-ISM à 47,8, après 49,1 en août, est nettement en zone de contraction depuis deux mois avec une chute accélérée.
Dans l’Eurozone, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne, mais aussi la Pologne, l’Autriche, la Tchéquie sont en territoire négatif. Au total, l’Eurozone, notamment du fait du poids de l’Allemagne, est au plus bas depuis 7 ans à 45,7 et se trouve en zone de contraction depuis 8 mois. Une analyse plus détaillée montre que les biens d’investissement souffrent le plus, suivis des biens intermédiaires, et que contrairement aux USA, les biens de consommation suivent également cette tendance.
En Allemagne, la contraction manufacturière est particulièrement prononcée depuis plusieurs mois et sans ambiguïté ; l’indicateur central atteint 41,7 en septembre avec une baisse rapide de la production, des nouvelles commandes et de l’emploi.
En France, l’indice composite IHS-PMI dans l’industrie – qui s’était redressé de 49,7 à 51,1 en août – revient vers 50,1, restant ainsi très légèrement en zone d’expansion. Ceci provient d’un retour de l’orientation à la baisse de la production et des nouvelles commandes ainsi qu’une stagnation des nouvelles commandes à l’export. A ce stade, l’institut n’enregistre qu’un léger ralentissement de la croissance de l’emploi.
Commentaires
La dégradation des indicateurs conjoncturels dans l’industrie apparait comme mondiale et inquiète l’ensemble des acteurs financiers comme industriels. Se posent à la fois la question de l’origine de cette dégradation, celle de sa possible extension aux services et à l’emploi et enfin son caractère structurel ou purement conjoncturel.
Un phénomène purement conjoncturel, lié à la demande, sans être totalement à écarter, aurait de quoi surprendre : la demande est encore soutenue dans de nombreux pays : le niveau du chômage particulièrement faible dans la plupart des pays du G7 et les besoins de consommation encore non satisfaits dans de grands pays émergents laissent encore un important réservoir de consommation finale.
Dès lors, ces indicateurs en fort recul orientent les explications vers trois tendances plus fondamentales du côté de l’offre et de la structure des marchés :
D’abord, un phénomène de dégradation du commerce international. L’OMC dans ses récentes estimations a ainsi revu à la baisse la croissance du commerce international à +1,2% contre +2,6% prévus en février.
La guerre commerciale entre les USA et la Chine, et, plus généralement, la mise en cause du multilatéralisme, créent un très important facteur d’incertitude, qui complique considérablement l’organisation des chaines de valeur mondiales – de facto en cours de réingénierie. La sensibilité des marchés financiers aux annonces de taxation ou de sanctions montrent l’importance donnée à ces évolutions.
Ensuite, à cette tendance géopolitique, s’ajoutent deux autres tendances liées à l’organisation du système de production lui-même.
La première est le recentrage des économies chinoises et américaines sur leur production nationale.
Le cas chinois est connu mais la mesure de celui-ci est considérable : le commerce extérieur chinois ralentit plus encore que la croissance chinoise. Le ralentissement chinois est à ce stade amplifié à l’extérieur. Au-delà de l’importance stratégique d’industries sensibles, ce recentrage se traduit par une importance plus grande du marché interne, auquel un modèle d’IDE peut permettre une meilleure résistance, mais aussi par une concurrence interne à la Chine plus forte qui réduit le rôle moteur de la croissance chinoise sur le reste du monde.
Parallèlement, les USA poussent également leur production interne : en taxant financièrement les importations via les droits de douane, mais aussi en attirant les investissements via l’importante réforme fiscale conduite en 2018.
L’Allemagne, qui reste le pays le plus ouvert à l’exportation d’Europe, subit pleinement cette réorientation qui pourrait, si elle s’aggravait, mettre en difficulté son modèle de croissance en partie fondé sur l’exportation à partir d’une production sur son territoire.
La deuxième interrogation est technologique. L’analyse sectorielle montre l’émergence d’un nouveau cycle. Certain dans l’automobile ou les télécommunications, il est aussi notable dans une partie des services dont l’organisation est en réalité proche de l’industrie : la distribution de services notamment, qu’elle soit bancaire, assurantielle, commerciale ou touristique connait une transformation nouvelle dans ses modes d’organisation, de tarification et de production.
Ce choc technologique est classique de la fin d’un cycle et au cœur de la relance du suivant.
Néanmoins les différents facteurs se cumulent : l’incertitude géopolitique, le redécoupage des marchés et un nouveau cycle technologique impactent fortement les nouveaux investissements et provoquent un ralentissement.
La troisième question est celle de la transmission au secteur des services. L’indicateur ISM USA publié le lendemain de l’ISM a également fortement ralenti. Il fait craindre que le ralentissement soit plus global aux USA. Les chiffres de l’emploi – malgré un chômage au plus bas à 3,5% – seront donc scrutés avec attention. D’une manière générale, ceci montre la difficulté à concevoir que l’industrie et les services puissent longtemps rester décorrélés.
La France semble à ce stade résister à un potentiel ralentissement, notamment parce que l’industrie y pèse moins dans la décomposition statistique de la valeur ajoutée que les services et parce que les soutiens apportés récemment au pouvoir d’achat soutiennent progressivement la demande. Ceci a permis à l’Insee de confirmer sa prévision de conjoncture.
Pour autant, la dégradation générale des conditions est aujourd’hui une hypothèse sérieuse, de plus en plus retenue dans les anticipations. Ceci entre dans les plans stratégiques des entreprises. La question est de savoir si les politiques fiscales, budgétaires et la régulation anticipent suffisamment un ralentissement qui semble s’annoncer.
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