1 . Economie de marché : une définition empirique
Une économie de marché se caractérise par son caractère décentralisé : les entreprises et les consommateurs prennent leurs décisions de façon autonome, le marché se chargeant de confronter l’offre et la demande de biens et services. Sur un plan opérationnel, l’Union européenne retient cinq critères dans le cadre de sa politique anti-dumping :
2 . Marché : fin en soi ou moyen d’atteindre la prospérité économique ?
Dans un article datant de 1930 [1] , le célèbre économiste britannique John M. Keynes prédisait la résolution du « problème économique » dans un délai d’un siècle. S’appuyant sur la forte hausse de la productivité constatée à partir du 18e siècle, Keynes projetait une multiplication par « 4 à 8 » du niveau de vie dans les pays « progressistes ». De ce fait, le temps de travail pourrait être abaissé à « 3 heures par jour ou 15 heures par semaine », le temps dégagé étant consacré aux loisirs et à la vie de façon « intelligente, agréable et bonne ». Dans un ouvrage récent [2] , l’économiste belge Paul De Grauwe voit deux erreurs dans le raisonnement de Keynes : d’une part, le fait que l’économie de marché se développe grâce à l’apparition continue de nouveaux produits ; d’autre part, l’absence de prise en compte des écarts de développement entre pays. Sur le premier point, la dynamique de renouvellement a pour effet de « repousser le point de saturation des besoins matériels ». Sur le second point, le raisonnement apparaît, avec le recul, relativement autocentré sur une fraction aisée de la population d’un pays riche. Malgré un certain phénomène de rattrapage entre pays grâce à la forte croissance des émergents et la réduction des situations d’extrême pauvreté, les écarts de dépenses de consommation restent notables entre les quatre principales catégories de pays établies par la Banque mondiale (hauts revenus, moyen-haut, moyen bas et bas). Pour des milliards d’individus, la satisfaction des besoins matériels demeure la priorité.
3 . Marché vs Etat : un pendule en mouvement perpétuel ?
Au 21e siècle, l’économie de marché s’est imposée dans la très grande majorité des pays : toutefois, il n’existe aucune économie de marché « pure », l’Etat intervenant dans l’activité à des degrés divers selon le pays considéré. En effet, tout système de marché s’appuie sur des « institutions » chargées de s’assurer de son bon fonctionnement (droit de propriété…). Dans son ouvrage, De Grauwe analyse les interactions entre les deux types d’organisation : tout en soulignant leur complémentarité, il rappelle les mouvements « pendulaires » qui ont conduit le marché et l’Etat à se « dominer » l’un l’autre à tour de rôle. Pour l’auteur, ces cycles ont mis en échec les différentes théories « linéaires » sur la fin du capitalisme (Marx, Schumpeter, Polanyi entre autres) et son remplacement par un nouveau régime permanent. Ainsi, au fort développement capitaliste du 19e siècle aurait succédé un retour de l’Etat à la suite de la crise de 1929 et au sortir de la Deuxième guerre mondiale avec les plans de reconstruction et l’essor de l’Etat-providence dans de nombreux pays. Le début des années 80 aurait marqué un nouveau tournant en faveur du marché culminant juste avant la Grande récession de 2008, qui a engendré un retour de la puissance publique (Etat, banque centrale) dans les décisions. Alors que la période actuelle est marquée par des questionnements autour de l’avenir du capitalisme, De Grauwe imagine deux alternatives pour le futur. Dans le premier scénario, clairement pessimiste, le marché atteindrait sa limite « externe », du fait des dégâts environnementaux, et sa limite « interne », avec le développement des inégalités de richesse, qui achèverait sa légitimité auprès de l’opinion. Dans le second scénario, qu’il qualifie de « réformiste », une meilleure régulation en amont laisserait un rôle central au marché. Ce scénario supposerait toutefois que deux conditions soient réunies : un fonctionnement efficace des institutions démocratiques et une coopération internationale renforcée sur les questions d’intérêt général.
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Organisation privilégiée de l’activité économique à travers les continents, le marché a fait la preuve de son efficacité pour assurer la prospérité matérielle de millions d’individus. Cette propriété absolue est renforcée par une autre, relative : en effet, les expériences alternatives (en particulier l’économie planifiée) se sont traduites par de graves échecs. Le débat actuel sur les liens entre le marché et l’Etat s’appuie, d’une part, sur la diversité du « mix » retenu selon le pays considéré, qui rappelle l’absence d’un modèle unique ; d’autre part, sur les tensions à l’œuvre qui sont susceptibles de modifier, à terme, les équilibres actuels. Ainsi, le « ras le bol fiscal » et la demande accrue de protection et de régulation face aux « menaces » apparaissent comme deux forces contradictoires qui s’expriment de façon simultanée. La forte attention portée aux enjeux de souveraineté (économie, commerce, sécurité et défense…) fait penser que le pendule a rebasculé dans le camp de l’Etat : en prolongeant l’analyse historique de De Grauwe, il s’agirait d’un mouvement naturel. Dans le même temps, la plupart des sociétés du 21e siècle sont fondamentalement décentralisées et individualistes du fait des évolutions technologiques et culturelles. En supposant qu’il se déplace, le nouveau point d’équilibre entre marché et Etat est donc loin d’être connu à l’avance.