- 3,7 millions ressortissants de l’Union européenne au Royaume-Uni….
Selon l’Office of National Statistics (ONS), il y avait près de 6,1 millions d’étrangers résidant au Royaume-Uni en juin 2017, soit environ 10 % de la population totale. Au sein de cette catégorie, 3,7 millions étaient ressortissants d’un pays de l’Union européenne (UE). De façon conventionnelle, l’ONS découpe l’UE en trois catégories : l’UE-14 « pré-élargissement », l’UE-8 « post-élargissement » à l’Est en 2004 et les autres Etats [1] . De taille équivalente, les deux premières traduisent le poids prépondérant des principaux pays de la zone euro et des pays de l’Est : le « top 10 » des nationalités fait ainsi apparaître 8 pays de l’UE contre seulement 2 situés à l’extérieur (Inde et Pakistan). Un Etat se détache : la Pologne, avec 1 million de ressortissants vivant outre-Manche. Le même exercice réalisé sur la tranche 16-64 ans (population « active ») ne change pas fondamentalement les résultats mais confirme l’intuition d’une population étrangère présente avant tout pour des raisons professionnelles (à 12 %, légère surreprésentation de la population étrangère sur cette tranche d’âge par rapport à la moyenne).
2. … contre près de 900 000 britanniques dans l’Union européenne
L’exercice symétrique a été réalisé récemment par l’ONS [2] . A partir des données d’Eurostat collectées à l’occasion du recensement de 2010-2011, l’institut propose un panorama relativement exhaustif et pertinent dans le contexte de la négociation sur le Brexit : ainsi, les binationaux sont exclus de l’étude afin de centrer l’analyse sur les individus qui ne pourront se prévaloir d’une autre nationalité une fois que le Royaume-Uni aura quitté l’UE. De ce fait, les chiffres présentés sont des minorants. Sur les près de 900 000 britaniques résidant dans l’UE, l’Espagne représente, de loin, le premier Etat de destination, avec un tiers du total. Suivent la France (18 %), l’Irlande (13 %) et l’Allemagne (11 %). La décomposition par classe d’âge fait apparaître une prédominance de la population active (70 % pour les 15-64 ans) avec, par ailleurs, une part importante des 65 ans et plus (21 %). Cette dernière catégorie rassemble notamment les retraités : confirmant une pratique bien établie, la part des britanniques âgés de 65 ans et plus est la plus élevée dans la plupart des pays du pourtour méditérrannéen (Espagne, Malte, Chypre, où elle dépasse les 30 % ; Portugal et France : 20 %).
3. Quels pourraient être les impacts du Brexit sur les marchés du travail ?
Des Quatre libertés fondamentales de l’UE, la libre-circulation des personnes (et son corollaire, le droit d’établissement) est celle qui cristallise le plus le débat politique outre-Manche. L’issue du référendum contraint fortement le Gouvernement britannique sur cette question, rendant le statu quo actuel peu crédible. Face aux restrictions qui s’annoncent, cette partie cherche à évaluer de façon théorique quels pourraient être les impacts respectifs pour le Royaume-Uni et pour l’UE. Côté britannique, le sujet est suivi de près par les entreprises, dont beaucoup emploient des salariés de l’UE : dans un rapport récent de la Chambre des Lords [3] , ses représentants font part de leurs inquiétudes sur le risque de pénurie de main d’œuvre qui résulterait d’un durcissement des règles migratoires. Ainsi, selon les sources citées par le rapport, trois quarts des ressortissants actuels de l’UE ne rempliraient pas les critères « Tier 2 » applicables aux travailleurs des pays tiers [4] . La moyenne serait encore plus élevée pour les emplois « peu qualifiés » : à cet égard, le rapport adhère à la position patronale de ne pas instaurer de distinction stricte entre ces derniers et les emplois « hautement qualifiés », considérant les besoins multiples de l’économie britannique (recherche, ingéniérie mais également agriculture, construction…). De fait, le Brexit pourrait avoir un impact aux extrémités du marché du travail, ce qui explique certaines prises de position en faveur de systèmes régionaux d’immigration (City, Ecosse). Côté UE, la problématique est différente dans la mesure où la population britannique résidente représente une fraction limitée de chaque marché du travail. Deux canaux sont toutefois à surveiller : d’une part, celui du tourisme et, d’autre part, la faculté pour les retraités de s’installer dans les pays du Sud de l’UE. Disposant en moyenne d’un pouvoir d’achat élevé, les britanniques représentent en effet une source importante de revenus pour certaines régions qui pourraient pâtir à la fois des restrictions de circulation et de la baisse du revenu disponible au Royaume-Uni. Enfin, le Brexit pourrait avoir des conséquences d’ampleur sur certains marché du travail « d’origine » (Pologne notamment).
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« It’s certainly a great day for Europe and a great opportunity for Britain » (Tony Blair le 1er mai 2004). 13 ans après l’élargissement de l’UE, le changement de discours est frappant au sein d’un pays traditionnellement attaché au libre-échange. A priori, le volet migratoire des discussions apparaît déséquilibré avec, d’un côté, un besoin potentiel d’adaptations majeures et, de l’autre, des impacts plus localisés. Le Royaume-Uni va affronter un défi de taille, qui pose des questions économiques essentielles : quel impact sur les salaires et l’emploi ? La technologie peut-elle remplacer les migrants ? Comment combler les besoins de main d’œuvre ? Quel rôle pour la formation des « locaux » ? Du côté des 27, il ne faut pas négliger les conséquences négatives en termes de débouchés professionnels et de perspectives de carrière qu’entrainerait le durcissement de l’accès au deuxième plus important marché du travail de l’UE. Dans ce contexte, l’accord du jour sur le « passé » est une bonne nouvelle pour l’Europe (cf. Accord).