- Un déficit 2019 qui repart à la hausse sous l’effet d’annonces récentes.
Après un déficit public de -2,7% en 2018, la prévision pour 2019, initialement à -2,8%, a été revue à la hausse autour de -3,2%. Ceci traduit l’effet des mesures « gilets jaunes ». Parmi ces mesures (cf. tableau infra), doivent encore être votées : +2,5 Md€ de fiscalité supplémentaire sur les entreprises et -1,5 Md€ d’économies sur la dépense de l’Etat, qui permettraient de ramener le solde à 7,4 Md€.
- Des perspectives de croissance en débat
La Cour des comptes signale les risques associés à la prévision, notamment l’absence de documentation des économies additionnelles prévues sur l’Etat. Les incertitudes macroéconomiques sont toutefois le principal risque identifié. En l’absence de présentation d’une nouvelle loi financière, le gouvernement n’a pas eu à revoir sa prévision de croissance qui reste à +1,7% depuis octobre 2018.
Depuis, les résultats provisoires de croissance en 2018, +1,5%, et l’acquis de croissance à +1,0% pour 2019 montrent qu’1,7% de croissance suppose une forte progression trimestrielle. En janvier, les indicateurs nationaux et étrangers signalent un ralentissement. Le FMI (jan. 19) envisage +1,5% de croissance et la Commission (Feb. 19) +1,3%. Pour mémoire, un écart de -0,4ptPIB de croissance augmente le déficit public d’environ -0,2pt.
La France peut arguer que les mesures de fin d’année soutiendront la consommation. Ceci est cependant dépendant du comportement d’épargne et des anticipations des ménages essentiellement face à une non-augmentation de la fiscalité par rapport à un scénario de référence qui a suscité de fortes réactions.
- Mais un calme conjoncturel relatif
Le problème posé par les finances publiques est moins conjoncturel qu’il y parait. A moyen terme, il faut, comme le note le gouvernement, soustraire du déficit les 0,8ptPIB liés à la transformation du CICE en allègement de charges – et ramener celui-ci à -2,4% environ. La Cour des comptes estime ainsi le déficit structurel à -2,3ptPIB en 2019, stable. Ce déficit est donc en deçà des 3% et expose surtout la France à un risque de taux lié à sa dette qui ne se réduit pas assez. Pour mémoire, dans ces conditions, le Pacte de stabilité et de croissance imposerait une réduction, de -0,4ptPIB, du déficit « structurel », au vu de la dette française.
Les risques sur la dette sont plus à moyen terme qu’à court terme. Dans l’ensemble, la dette européenne inquiète moins qu’avant et le taux souverain français à 10 ans tourne début 2019 autour de 0.5-0,6%. Ce confort permet à l’AFT de relever le programme d’émission 2019 de 195 à 200 Md€ sans crainte.
- Le problème est surtout un problème structurel et interne à la France
La croissance est proche de son potentiel en Europe avec des différences entre pays. La France, s’ancre parmi les pays en difficulté budgétaire. A trois titres : seule au-delà de 3% de déficit courant, seule, avec l’Italie, à accroitre son déficit courant quand sa dette dépasse les 60% et le pays aux prélèvements obligatoires les plus élevés.
Cette situation n’est pas compensée par une croissance ou un marché du travail plus favorable – le pays est quatrième pour le niveau de chômage et deuxième pour le nombre de chômeurs en Zone euro – ou encore d’investissements publics particulièrement porteurs à long terme. Si ces derniers sujets ne dépendent pas uniquement des finances publiques, ces questions sont plus que conjoncturelles et bien macro-économiques.
- L’outil fiscal, traditionnelle réponse, atteint ses limites.
Il ne s’agit pas d’une vérité théorique absolue mais d’un constat local, immédiat : en 2019 les marges fiscales de l’Etat français sont très réduites. Constat économique, lié à la réalité de la compétitivité internationale et aux niveaux records d’impôts portés aux limites de leur domaine d’utilisation. Constat politique, lisible dans la réponse sociale aux hausses proposées en 2019 alors même qu’elles étaient compensées par des baisses ailleurs.
Ceci fait perdre à l’Etat français une marge de manœuvre historique – abondamment utilisée après les crises de 1975 (hausse des prélèvements jusqu’à 1987), de 1992 (hausse jusqu’au début 2000) et de 2011 (jusqu’à 2017). En un sens, derrière l’instabilité liée à l’utilisation trop intensive du déficit vient l’instabilité liée à l’utilisation trop intensive de la fiscalité.
- La volonté de réduire la dépense revient au premier rang des réponses.
C’est donc vers la modération de la dépense publique que se tourne la Cour des comptes : « Compte tenu du niveau élevé des prélèvements obligatoires, un tel assainissement, a fortiori si on veut l’accompagner d’une baisse de prélèvements obligatoires, passe nécessairement par une maîtrise accrue des dépenses publiques. ».
Dans sa réplique à la Cour, le gouvernement réaffirme sa détermination à baisser de 3ptPIB la dépense publique entre 2018 et 2022. Les réformes de la fonction publique, de l’assurance chômage et probablement aussi d’autres pans de l’action publique seront nécessaires. Ces réformes de la dépense sont cependant difficiles car les systèmes publics en place sont l’objet d’un consensus installé et la demande de service publique importante.
- Le soutien à la croissance est une réponse complémentaire probablement indispensable.
Pour diminuer le déficit, la croissance sera donc aussi nécessaire. Compte tenu d’un potentiel autour de 1,3%, la croissance ne pourra à elle seule équilibrer les comptes publics mais elle sera un complément indispensable.
L’intervention fiscalo-sociale et les dépenses publiques ont une influence indirecte positive ou négative sur la croissance. Mais c’est aussi le cas de l’intervention de l’Etat, comme régulateur du marché du travail, des échanges matériels et financiers. L’ensemble des réformes menées par l’Etat doit donc prendre simultanément en compte l’objectif de croissance et le pilotage des finances publiques : au-delà du Pacte de stabilité et de croissance, le Programme National de Réforme présenté à la Commission sera aussi une clef du succès.