Économie / janvier 2017

Etats-Unis : moteur et risque pour l’économie mondiale ?

A l’occasion de sa première édition de l’année, ce flash se penche sur l’économie des Etats-Unis. En présentant à chacun des lecteurs du « Flash éco » les meilleurs vœux de la rédaction pour 2017.

1. Croissance : un PIB supérieur de 10 % à son niveau d’avant-crise

Avec la croissance économique la plus forte des pays du G7 aux côtés du Canada (+ 2,1 %) depuis 2010, les Etats-Unis font figure de locomotive au sein des pays « avancés ». En effet, contrairement à plusieurs pays européens et au Japon, la récession née de la crise des « subprimes » s’est limitée aux années 2008 et 2009. Le PIB nord-américain a retrouvé son niveau d’avant-crise dès le troisième trimestre (T3) 2011, soutenu par un rebond de la consommation fin 2010 et par la demande publique, seule composante de la demande intérieure a avoir contribué positivement lors du choc récessif. L’investissement privé, qui avait reculé d’environ 30 % entre la fin 2007 et la fin 2009 sous l’effet de l’éclatement de la bulle immobilière et du repli de l’investissement non-résidentiel, a repris sa hausse à compter de 2010 et se situe aujourd’hui près de 10 % au-dessus de son niveau d’avant-crise. Les investissements en équipement (+ 18 %) et en produits liés à la propriété intellectuelle (+ 25 %) ont contribué à ce dynamisme : pour ces derniers, il est intéressant de noter l’absence d’impact de la Grande récession sur le niveau et la trajectoire de l’indicateur. En revanche, l’investissement résidentiel a connu un profil nettement plus heurté, atteignant à peine son niveau d’avant-crise fin 2015.

 

2. Des infrastructures vieillissantes : vers une relance de l’investissement public ?

Depuis un certain nombre d’années, le débat public nord-américain porte sur la qualité des infrastructures du pays. Dans son rapport de 2013, l’association des ingénieurs civils des Etats-Unis (ASCE) présentait un constat alarmant en la matière (voir tableau synthétique des notes ci-dessous).

Sur 16 grandes catégories d’infrastructures et autres politiques d’intérêt général, une majorité obtenait une note « D » (« Mauvais état : à risque »). De façon plus détaillée, l’ASCE a classé dans cette catégorie les infrastructures « en état médiocre et (…) en-dessous des standards, avec de nombreuses composantes approchant la fin de vie. Une part importante du système présente des dégradations significatives. Les conditions (…) suscitent une sérieuse inquiétude avec, en outre, de forts risques de défaillances ». Figuraient dans cette catégorie des infrastructures aussi essentielles que les écoles, les routes et l’eau potable. Sur les écoles, le rapport rappelle que près de la moitié du parc immobilier a été construit pour éduquer les « baby-boomers » d’après-Guerre, d’où un effet d’usure qui s’ajoute à un effet de ciseau produit par l’augmentation de la population étudiante et la diminution des financements par les Etats et les collectivités locales. Au cours de la campagne, Donald Trump a promis un plan en faveur des infrastructures (« American Infrastructure First ») : si les détails ne sont pas connus, ce dernier ciblerait les transports, les réseaux d’eau et d’électricité ainsi que les télécommunications et la sécurité.

3. Finances publiques : un nouveau cycle d’endettement à l’horizon ?

A plus de 100 %, le ratio dette publique/PIB des Etats-Unis est le troisième plus important des pays du G7 derrière le Japon et l’Italie. A l’instar des autres principales économies avancées, les finances publiques nord-américaines ont subi un impact très négatif au moment de la Grande récession. Le ratio d’endettement est toutefois en voie de stabilisation du fait du rétablissement progressif des comptes publics (division par trois du déficit entre 2009 et 2015). Au cours de la campagne, Donald Trump a proposé un programme économique qui augmenterait la dette d’environ 5 300Md€ au bout de 10 ans selon le Committee for a Responsible Federal Budget, organisme bipartisan et indépendant [1] . Ceci résulterait principalement des mesures de baisses des prélèvements en faveur, notamment, des entreprises (baisse du taux nominal de l’IS de 35 % à 15 %). En dépenses, les efforts supplémentaires en faveur de la défense et des familles seraient compensés par un « Penny Plan » [2] sur les autres dépenses et le remplacement d’un seul fonctionnaire partant à la retraite sur trois (hypothèse du CRFB).

Contrairement à plusieurs de ses partenaires, l’économie nord-américaine semble, dans une large mesure, avoir dépassé la crise née sur son sol même si de sérieuses faiblesses demeurent (taux d’activité, inégalités, pauvreté…). Fruits d’une inspiration expansionniste somme toute assez classique, les « Trumponomics » devront affronter deux défis de taille : d’une part, la période elle-même, tout sauf ordinaire ; d’autre part, celui de la cohérence globale du projet. En effet, certains engagements de campagne en matière d’immigration et de commerce extérieur pourraient altérer tout ou partie de la logique d’expansion : ainsi, un plan de relance dans la première économie augmentera nécessairement la demande adressée au reste du monde. Comment l’offre mondiale réagira-t-elle ? Pour celle qui souhaitera s’y orienter, comment sera-t-elle traitée par la nouvelle administration ? Enfin, les actifs de réserve traditionnels (Treasuries, dollar) seront-ils toujours jugés aussi « sûrs » par les investisseurs ?

[1] Exercice entouré d’aléas importants et purement budgétaire (non prise en compte des effets économiques des mesures).
[2] Baisse de 1 % par an de la dépense discrétionnaire hors défense, d’où une économie « tendancielle ».